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à l'amour, à la mort.

Ecrit par Gildas Lechevretel.

Entièrement illustré par Geoffrey Repain.



La naissance d’Astrid fut le fruit d’un amour improbable.


Un amour entre une religieuse chrétienne du Royaume de Lindsey, Adélaïde, et d’un guérisseur venu du Danemark, Hogni. En ces temps troublés, les côtes du Royaume de Lindsey étaient constamment attaquées par les Vikings.


L’un d’entre eux, Ragnusson, dit le Roi renégat, était particulièrement cruel et violent. Son sillage était jonché de cadavres et la famine le suivait partout où il pillait. De plus, affaiblis et en prise avec leurs morts qui empoisonnaient l’eau, les paysans succombaient les uns après les autres à la peste qui faisait des ravages parmi les survivants.


Mais des royaumes gelés du Nord ne venaient pas que l’horreur et la mort. Vint également la tribu des Vanirvik, menée alors par Thorulf. Cette tribu était connue dans le monde viking pour ses incroyables talents de guérisseurs et était fort respectée. Ils débarquèrent pour aider les paysans, alors en proie à l’épidémie. Les débuts furent prometteurs mais l’évêque de Lindsey, Eadberht de Lichfield, vit d’un mauvais œil leur arrivée. Il craignait que ces païens providentiels ne viennent influencer la foi, déjà bien ébranlée, des habitants. Il donna alors l’ordre que personne ne leur prête assistance ni ne requiert leur aide sous peine de d'excommunication.


Toutefois, le vaillant monastère de Partney, déchiré entre l’ordre de l’évêque et le malheur des paysans qui succombaient les uns après les autres, brava l’interdit et accueillit le clan des guérisseurs Vanirviks en ses murs. Dans les grandes salles de l’édifice, les ecclésiastiques purent installer un hôpital. Moines et religieuses travaillèrent d’arrache-pied avec les Vanirvik pour repousser l'épidémie.


C’est durant cette période qu’Hogni et Adélaïde se rencontrèrent pour la première fois. Au début, ils ne se parlèrent guère. Outre les difficultés de langues, Adélaïde ne connaissait que la vie monacale et ces étrangers venu d’ailleurs l’impressionnaient beaucoup. Mais elle était doté d’un caractère passionné et dévoué doublé d’un esprit vif et curieux.


Elle apprit beaucoup auprès de ces étranges femmes et hommes venu du Nord. Leurs connaissances dépassaient de loin tout ce qu’on avait pu lui enseigner. Maladies ou blessures, ils semblaient avoir un remède pour presque tout. Certains des Vanirvik arboraient d’étranges cristaux pendu à leur cou dont la couleur rappelait celle de l’arc en ciel après la pluie.


L’un de ces guérisseurs retint son attention, c’était un homme au regard doux qui parlait et riait beaucoup avec ses comparses. Adélaïde et lui se surprirent à s’observer. Au détour d’un couloir, au chevet d’un malade ou à travers les colonnes du cloître. Et dès qu’ils se surprenaient, ils s’absorbaient alors totalement dans leurs tâches respectives. Ils se guettaient sans toutefois s’approcher.





Leur jeu aurait pu durer longtemps mais la fin de l’automne approchait et les Vanirviks durent s’en retourner chez eux.


La peste était presque contenue, aussi leur mission touchait à sa fin.



Au printemps suivant, les Vanirviks revinrent au monastère. En chemin, ils apprirent que Ragnusson avaient débarqués quelques jours plus tôt et avait, à nouveau, mis la région à feu et à sang.



Ecrasé par l’appréhension, Hogni s’élança sur la route. Il arriva aux portes du monastère encore fumant et se mit à chercher frénétiquement tout signe de vie. Il fit le tour des salles du bâtiment, vérifia le cellier, les chambres et ce qui restait de la chapelle. En vain. Après plus d’une heure de recherche, il finit par se laisser tomber sur les genoux au milieu des cendres qui s’accumulaient dans le cloître. Il resta ainsi un moment lorsqu’il entendit un bruit qui provenait du colombier. Le seul endroit auquel il n’avait pas pensé. Il s’y précipita, l’espoir au ventre. L’accès était barrée d’une lourde planche de bois. Les pillards n’avaient sans doute pas réussi à forcer la solide porte de chêne et avaient probablement décidé d’enfermer vivant ses occupants. Des coups de plus en plus fort se faisaient entendre de l’autre côté alors que de la fumée vomissait par le dessous de la porte. Hogni sorti sa hache et se mit à tailler à grands coups la poutre qu’il finit par arracher. Au même instant, la porte s’ouvrit à la volée. Adélaïde en surgit, un poignard en avant, qu’elle lui enfonça dans les côtes. L’horreur la défigura au moment où elle se rendit compte de son erreur.



Hogni se tordit de douleur et s’effondra dans ses bras tandis qu’elle essayait de le soutenir.


Toutefois, Adélaïde ne céda pas à la panique. Elle traîna Hogni en lieu sûr et chercha activement son clan qu'elle supposait ne pas être loin. En effet, attiré par la fumée, Turold et les Vanirvik s’étaient également empressés et arrivèrent à temps pour stopper l’hémorragie du blessé. Turold pardonna sans problème à Adélaïde, il comprenait sa peur. Il la pressa de conter son histoire car il était bien étrange, par les temps qui courent, qu’aucune aide ne leur soit parvenue. Adélaïde lui apprit que l’Evêque Eadberht, depuis leur départ, n’avait eu de cesse de les critiquer et de condamner les pratiques qu’ils avaient apprises auprès de ces “sorciers du nord”. Il les avait même accusés d’hérésie et de pacte avec le Diable. Aussi, lorsque la mère supérieure ordonna qu’un pigeon soit envoyé pour requérir l’aide des soldats de l’Eglise, l’évêque refusa tout net et laissa le monastère à la merci des pirates vikings.



Ecœurée, Adélaïde quitta les ordres et écrivit son histoire dans une lettre qu’elle adressa au seigneur Finn, Roi du Royaume de Lindsey, dans son fief de la ville de Lincoln. Ce dernier réprimanda l’évêque qui se fit discret et ne vint plus les importuner. Puis, elle décida de consacrer son temps au rétablissement d’Hogni dont l’état se trouvait entre la vie et la mort. Ainsi, pendant des semaines, elle s’appliqua à le soigner. Elle referma sa blessure, l’épongea lorsqu’il était brûlant et le nourrit alors qu’il était trop faible pour se lever. Sa ténacité triomphait un peu plus chaque jour et Hogni se rétablit petit à petit. Durant sa convalescence, Adélaïde et lui se parlèrent enfin.


Il lui conta ses aventures sur les mers, les légendes de son peuple et ses dieux étranges. Et elle lui apprit la langue de son pays, ses merveilles et les coutumes du monde chrétien. L’amour finit par grandir entre eux. Aussi, lorsque la fin de l’automne approcha et que la tribu se prépara à s’en retourner à nouveau. Hogni ne voulut plus repartir. Pas plus qu’elle ne voulait le voir partir. Turold, qui suivait leur jeu depuis le début d’un œil amusé, accepta qu’il reste. D’autant plus qu’Hogni était encore faible et que les habitants de la région avaient manifestement encore besoin de ses talents. De leurs talents même. Car, à présent, Adélaïde en savait presqu’autant que lui. Sa ténacité lui avait fait apprendre en quelques semaines ce qu’un Vanirvik mettait presque une vie à apprendre.





Deux années passèrent et de leur amour, naquit Astrid, une enfant aux cheveux d’or qui fit le bonheur de ses parents. Elle était extrêmement curieuse et avide des histoires de son père. Il lui parlait de son clan, de ses aventures et du cristal que chaque membre de la tribu des Vanirviks portait autour du cou. Un cristal aux étranges propriétés que Turold lui avait confié lorsque Hogni rejoignit les Vanirvik. Le couple l’éleva comme une enfant chrétienne tout en la nourrissant des mythes et légendes nordiques. Turold revenait de temps en temps les voir, à la fois pour compléter l’éducation d’Astrid mais aussi pour évaluer leurs progrès dans la région. Et pour cause, le couple jouissait d’une forte notoriété auprès de la population pour les nombreux services dévoués qu’ils rendaient. Ils exerçaient leurs talents de guérisseur à qui le leur demandait, parfois même sans demander autre chose en échange qu’un peu de nourriture. Ils pouvaient même parfois parcourir plusieurs kilomètres, juste pour venir en aide à un malade. Partout, on les accueillait chaleureusement et ils vécurent ainsi plusieurs années heureuses.


Une année, le roi Finn réussi à anticiper l’arrivé du pirate Ragnusson. Il avait soigneusement étudié son ennemi et lui tendit un piège sur l’une des côtes du royaume en faisant courir le bruit que de riches marchands avaient fondé, là, un village. Ragnusson n’était pas connu pour son intelligence aussi le roi, sûr de son stratagème, mobilisa toutes ses troupes sur la côte nord. Il laissa alors les rênes du pouvoir à l’évêque Eadberht, en tant que régent, au cas où il ne reviendrait pas. En sa qualité de guérisseur, Hogni se joignit également à l’armée. La menace du roi renégat devait prendre fin. Il quitta alors sa femme et sa fille et parti avec l’armée du roi Finn.


Malheureusement, à peine le roi parti, l’évêque en profita pour jeter Adélaïde avec sa fille dans les prisons de Lincoln et prépara son procès.




Il ne lui avait jamais pardonné son affront, quelques années auparavant, qui lui avait valu sa disgrâce auprès du roi. Il mit rapidement en place un tribunal ecclésiastique qui la jugea pour sorcellerie Les miracles que prodiguait une femme qui avait rejeté Dieu ne pouvaient provenir que du diable en personne.


Aussi furent elles toutes deux condamnées au bûcher.


Toutefois, le jour de l’exécution, le roi Finn revint, victorieux, avec son armée. Il avait triomphé du roi renégat et s’en retournait en son fief. Sur le retour, un serviteur lui apprit la nouvelle du procès. Il en fut fort contrarié mais décida de reprendre la route normalement, se promettant de réprimander à nouveau l’évêque à son arrivée.


Hogni, qui avait tout entendu, le supplia de le laisser porter secours à sa femme.


Le roi accepta ainsi qu’à ses trois compagnons d’armes avec lesquels Hogni s’était lié d’amitié durant la bataille contre Ragnusson. Tous les quatre se ruèrent alors, à bride abattue, vers la ville. Lorsqu’ils arrivèrent, le bûcher d’Adélaïde était déjà allumé depuis longtemps et l’on s’apprêtait à y mener Astrid qui avait assisté au sort tragique de sa mère et se débattait désespérément aux bras des bourreaux.


Devenu fou, Hogni se jeta sur eux et libéra Astrid. Les gardes de l’église s’avancèrent alors sur eux et les encerclèrent.


Hogni comprit qu’il ne pourrait leur échapper et demanda à ses compagnons d’emmener Astrid le plus loin possible. Lui, ferait de son mieux pour les retenir ici pendant qu’ils prendraient la fuite. Hogni s’agenouilla auprès de sa fille et l’étreignit.





Puis, d’un coup sec, il arracha le cristal qui lui pendait au cou, le tendit à Astrid et lui expliqua que le cristal lui permettra de retrouver Turold. Hogni n’eut pas la force de répondre à la détresse de sa fille et il se releva. Les quatre compagnons se lancèrent un bref regard. L’un d’eux prit Astrid sur son épaule et tous se ruèrent en avant pour briser l’encerclement. Ils combattirent âprement les gardes et parvinrent à passer. Comme prévu, Hogni resta en arrière pour permettre à ses amis de fuir. Il se battit comme un lion, faisant fi des blessures qui s’accumulait sur sa chair. Dans un dernier regard par-dessus son épaule, il put voir sa fille adorée qui s’éloignait déjà rapidement. Malgré ses yeux embués de larmes, la jeune Astrid assista aux dernières heures de son père qui, dans un élan, se jeta sur les gardes. Il en tua un et en blessa deux mais une lance vint le percuter en pleine poitrine. Il fut éjecté au pied du bucher de sa femme et s’effondra. Puis, elle le perdit de vue.





Les fuyards chevauchaient depuis de longues heures, à un rythme soutenu, avant de s’accorder une pause. Astrid était à court de larmes et elle resta prostrée à l’endroit où les trois comparses l’avaient déposée. Elle serrait dans ses mains, à s’en blanchir les doigts, le cristal de son père, la dernière chose qui la reliait à lui. Il luisait, à présent, d’une vive lumière arc-en-ciel comme s’il faisait écho à son chagrin. Astrid se répétait en boucle les dernières paroles de son père mais ne les comprenait toujours pas. Elle voulait revoir son père. Bouleversé, les trois compagnons lui firent comprendre, du mieux qu’ils le purent, que son père était bel et bien mort et qu’elle ne le reverrait plus jamais.


Astrid hurla, tant la douleur la transperçait. Elle avait besoin de quelqu’un. De quelqu’un qu’elle connaissait. Elle se rappela alors Turold. Il était, en effet, sa dernière famille à présent. Elle pensa à lui de toutes ses forces et cria son prénom à plusieurs reprises. Le cristal réagit. La lumière qui en sortait gagna en intensité. Les mains d’Astrid commencèrent à se réchauffer dangereusement et les trois compagnons furent prit de panique. Ils décidèrent de séparer l’enfant de l’objet lorsque, à leur grande surprise, elle disparut dans un flash aveuglant.




Lorsqu’elle reprit conscience, elle grelottait de froid et était emmitouflée dans une épaisse peau de mouton. Elle sentit la houle et comprit qu’elle se trouvait à bord d’un navire qui voguait doucement sur la mer. En se relevant, elle fut effrayée par tous ces visages inconnus qui la dévisageaient sans rien dire. Des femmes et des hommes, tout de vert vêtu, qu’elle ne reconnaissait pas. Elle recula, trébuchant même sur une caisse, et se recroquevilla dans un coin du navire. Elle attendit ainsi, dans l’expectative, que l’un d’entre eux s’approche. Mais aucun ne bougea. Ce n’est qu’au bout de quelques minutes qu’un pas lourd se fit entendre et qu’une imposante stature émergea de derrière le mat. C’était Thorulf !



Son soulagement fut aussi instantané que le flot de larmes qui suivit. Elle lui raconta alors le destin tragique de ses parents ainsi que ce qu’il s’était passé avec le cristal. La mine sombre, Thorulf lui passa la main dans les cheveux et la rassura. Elle était à présent en sécurité et il lui promit de s’occuper d’elle comme si elle était sa propre fille. D’un geste amical, il la félicita d’avoir su canaliser l’énergie du cristal car il n’était pas chose aisé de manipuler une telle énergie. Elle s’était trompé de peu et avait jailli à quelques mètres du bateau, dans l’eau.



Thorulf accueilli alors Astrid dans le clan de Vanirvik et, depuis lors, elle l’accompagna dans tous ses voyages et aventures. Il lui fit visiter le pays de ses origines et lui enseigna l’art de ses ancêtres.




Astrid et Turold par Thomas Lesourd.






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