Ce n’était pas pour rien que tout le monde appelait Solveig “la chasseuse”.
Dès l’enfance, elle s’était forgée une solide réputation de pisteuse, ramenant des charrettes entières de gibier pour Nordfjordeid, son village de Norvège, alors que ses petits camarades parvenaient à peine à bander un arc. C’était une femme forte, plus grande que la plupart des hommes, et pourtant plus souple et agile qu’un chat. Sa chevelure rousse étincelait comme le feu, mais elle savait se fondre dans le décor jusqu’à en devenir presque invisible. Elle avait remporté tous les concours sportifs de sa région jusqu’à s’en faire interdire de participation.
Nordfjordeid étant devenu rapidement trop ennuyeux pour ses ambitions d’aventures et de découvertes, Solveig avait à peine 15 ans quand elle embarqua en cachette à bord d’un bateau d’explorateurs qui avait jeté l’ancre au port pour s’approvisionner. Ce navire était le Jormun, navire principal des Vanirviks le clan dirigé par le fameux Thorulf, le plus grand nain du monde. Elle avait immédiatement été acceptée parmi la famille de “Grand-Nain”, s’avérant être un de ses plus précieux atouts jusqu’à leur arrivée sur le territoire des Francs.
Aujourd’hui âgée de 23 ans, elle partageait l’éducation de la pupille de Turold avec quelques autres, prenant en charge son apprentissage des sports de combat, de la traque, de la survie sur terre et, bien sûr, de la chasse.
...
-Qu’est-ce que tu fais ? Nous allons perdre la piste du cerf !
-J’applique des algues sur la blessure, répondit Astrid. Mes ouvrages de sorcellerie m’ont appris que certaines d’entre elles avaient des propriétés curatives.
-Mais voyons, ne me dis pas qu’une viking comme toi souffre d’une petite égratignure, se moqua Solveig en souriant.
- Ce n’est pas une question de souffrance, répondit la jeune fille, un peu vexée. Même la plus petite des entailles peut s’infecter, et les conséquences pourraient être terribles.
C’était l’été 896, Astrid avait 14 ans, et n’aimait pas vraiment qu’on la traite comme une enfant, même si dans les yeux de Solveig, elle était loin d’être une adulte. Et si leur Jarl Turold lui avait donné très officiellement le titre de viking une année auparavant, cette appellation avait de la part de Solveig une odeur de moquerie qui ne lui plaisait pas vraiment.
- Ce cerf doit être gigantesque, remarqua Solveig en ramassant du bout des doigts un poil à peine visible accroché aux branches d’un buisson. Mais il est aussi malin qu’il est grand. Regarde comme il a choisi son chemin en tenant compte de la direction du vent ! Il a compris que nous sommes à sa poursuite.
-Si il sait que nous le chassons, il doit être loin maintenant, s'inquiéta Astrid en observant les marais en contrebas.
-Allons chercher les chevaux, nous le retrouverons plus loin.
Encore un an auparavant, ce lieux appartenait à Lancelin Canisy, un terrible esclavagiste qui avait bien failli coûter la vie au clan des Vanirviks, mais l’activité de l’endroit avait été abandonnée dès l’accession de Turold à la Baronnie de la Côte-Fleurie. Grand-Nain avait fait bannir Lancelin de la région et la propriété du mont servait maintenant de refuge pour les plus pauvres de la région. (cf : Le Mystère des Roches Noires)
La propriété, située sur une grand colline, offrait un panorama imprenable sur toute la région, ainsi que sur la mer vers le nord. -À ton avis, demanda Solveig, dans quelle direction est parti le cerf ? Astrid observa le paysage avec beaucoup d’attention.
-La journée est déjà bien avancée, le soleil est à son zénith. La plupart des terrains vers le sud sont des marais qui ralentiraient sa progression, et Thoruvilla ainsi que le fleuve de la Touques bloqueraient sa progression à l’est. J’observe, bien au contraire, une forêt touffue vers le sud-ouest, qui lui offre de multiples cachettes, ainsi que de quoi s’alimenter.
-Bien pensé, ma chère Astrid. En route vers la forêt !
Elles galopèrent à peine deux lieues avant de se retrouver devant l’orée des bois. Et si la distance n’était pas si grande, Astrid remarqua qu’elles ne s’étaient jamais déplacées aussi loin dans cette direction. Depuis un an que le clan des Vanirviks dirigeait la région, les échanges s’étaient surtout faits sur la côte, entre Thoruvilla et Honfleur; et beaucoup moins dans les terres.
-J’espère qu’il n’est pas parti trop loin, soupira Astrid. Je te rappelle que ma nouvelle professeure de sorcellerie doit arriver demain et j’aimerais beaucoup être là pour l’accueillir. -Ne t’inquiètes pas, je sais que tu es impatiente de rencontrer Gersimi mais si nous étions en retard elle saurait profiter de quelques instants de calme après son long voyage.
Le chemin bordé d’ifs qu’elles suivirent les mena directement vers un petit village d’allure vétuste qui bordait la forêt.
Si les Vanirviks s’étaient fait connaître pour être avant tout pacifistes, l’arrivée de Scandinaves était toujours vue d'un œil méfiant par les autochtones, biberonnés par la propagande des Francs qui décrivaient les Nordiques comme des sauvages assoiffés de sang. Astrid et Solveig ne furent donc pas étonnées d’observer les quelques villageois se réfugier dans les maisons avant même qu’elles n’aient franchi l’entrée du bourg.
Un homme au regard méfiant, accompagné de deux gens d’armes aux mains posées sur les pommeaux de leurs épées, se dirigea tout de même vers elles d’un pas faussement assuré.
-Bonjour à vous, gentes dames. Je me nomme Sylvain, et je suis le Bourgmestre de ce village. Que nous vaut l’honneur de votre visite ? Je tiens à vous rappeler que notre village a déjà payé son impôt au seigneur Turold. Solveig avait fait beaucoup de progrès en langue Franque, mais laissa la parole à Astrid, bien plus douée qu’elle dans cette pratique. -Rassurez vous mon seigneur, dit-elle en courbant l’échine, la main posée sur le cœur. J'apprends la chasse et nous sommes à la poursuite d’un cerf qui nous a mené sur vos terres. Bien évidemment, nous ne saurions continuer cette traque sans votre permission. Le vieil homme jeta un regard vers l’entrée de la forêt, puis scruta Astrid et Solveig de la tête aux pieds. -Peut-être voulez-vous attendre l’arrivée de votre chef avant de pénétrer dans les bois, répondit Sylvain. Cette forêt est un endroit où l’ont peut se perdre facilement et ma femme serait honorée de vous offrir un déjeuner en attendant.
-Nous pas accompagnées par hommes, je suis la chef, répondit Solveig en riant. Manger maintenant nous alourdira. Nous besoin sens éveillés pour chasse.
Le banneret eut l’air à la fois surpris et soulagé par ces paroles, et proposa immédiatement aux chasseuses de prendre les chevaux sous sa garde le temps de leur visite de la forêt.
-Acceptons sa proposition, souffla Solveig à Astrid. Les bruits des sabots gâcheraient une approche silencieuse. Alors qu’elles pénétraient dans les bois, elles entendirent un éclat de rire général venant de la place du village derrière elles. Solveig secoua la tête en souriant. -Je me demande combien de temps il faudra aux Francs pour comprendre qu’une femme n’est pas un être inférieur …
Alors qu’elles s’enfonçaient de plus en plus à travers les arbres, Astrid et Solveig firent leurs pas de plus en plus silencieux.
-En ayant tant couru, le cerf devra forcément se reposer, souffla Solveig à son étudiante. Il ne doit pas être loin.
-Je vois quelques traces au sol, mais les feuilles de hêtre les rendent difficilement lisibles, fit remarquer Astrid. Je n’arrive pas à deviner la taille des sabots qui les ont créées et elles pourraient aussi bien venir de biches quelconques.
Après quelques secondes de silence, elle se retourna vers Solveig. Quand celle-ci restait sans rien dire, c’était souvent qu’Astrid racontait des bêtises. Sa tutrice ne la regardait même pas dans les yeux, laissant son regard traîner dans les airs.
-Et un si grand cerf laisse plus de marques sur l’écorce des arbres avec ses bois qu’avec ses sabots, rectifia la jeune fille d'elle-même.
-Ce qui permet de savoir ?.. Commença Solveig sans finir sa phrase.
-... Ce qui permet de savoir sa taille et s'il s’agit de celui que nous cherchons … Continua Astrid en pointant du doigt une branche brisée de plus de deux mètres de haut dans l’écorce d’un hêtre.
-Bien, nous pouvons donc imaginer qu’il n’est plus très loin, dit Solveig en sortant un petit bocal de sa sacoche.
Astrid grimaça immédiatement à la vue du récipient, plein d’un liquide épais et brunâtre.
-J’espère que Gersimi pourra m’apprendre un moyen magique d’effacer nos odeurs sans avoir à nous enduire de pisse de biche, souffla Astrid en versant le liquide odorant sur ses habits.
-Je suis certaine qu’elle t’apprendra que la sorcellerie n’est rien dans les mains de quelqu’un qui ne comprend pas comment fonctionne son environnement, rétorqua Solveig. Concentre-toi sur la traque et regarde les châtaigniers qui bordent ce ruisseau. Je suis certaine qu’il y en aura encore plus si nous le remontons jusqu’à la source. Parions qu’il n’aura pas su refuser la perspective d’un petit festin.
Plus le ruisseau boueux se rétrécissait, marquant leur arrivée près de la source, plus les chasseuses firent leurs pas légers. Elles retenaient maintenant leur respiration au maximum et ne communiquaient plus que par langue des signes. C’est non sans fierté qu’Astrid indiqua enfin du doigt l’animal à Solveig. Cette dernière avait déjà remarqué sa présence mais fit semblant d’être surprise, remplissant son élève de fierté. L’animal était encore plus grand qu’Astrid l’avait imaginé. Ses bois impressionnants comportaient un nombre de branches qu’il était difficile de compter d’un seul coup d’œil, semblant indiquer qu’il était très âgé, mais son pelage était soyeux comme celui d’un jeune animal.
Il reniflait les châtaignes au sol tout en guettant activement autour de lui, comme s’il se méfiait encore, malgré le silence absolu de ses prédatrices. Alors qu’Astrid bandait son arc en le visant, Solveig fit signe à son élève de bien retenir sa respiration, dans un dernier conseil avant le coup fatal. La flèche siffla dans l’air avant de se ficher précisément entre les jambes du cerf qui prit aussitôt la fuite. -Mais voyons, Astrid, tu sais très bien qu’à cette distance tu dois viser bien plus haut que ta cible !
Sa jeune élève courut aussitôt récupérer sa flèche et la brandit en signe de victoire. Sur sa pointe était embrochée une châtaigne plus grosse que les autres qu’Astrid décrocha immédiatement pour la lancer dans les mains de Solveig. -Détrompes-toi ! J’ai parfaitement atteint mon but. Mais ce cerf était tellement beau que j’ai eu des remords à le tuer.
Solveig se laissa tomber assise dans les feuilles, interloquée par le choix de son apprentie. -J’espère que tu ne m’en veux pas, implora Astrid. Je sais que tu voulais me faire chasser ce cerf parce qu’il est plus malin que les autres, mais c’est toi la première qui m’a déconseillé de chasser les mâles pour en favoriser la reproduction. -Ce qui me subjugue le plus dans cette affaire est de découvrir qu’il t’arrive d’écouter ce que je dis. J’imagine que nous pouvons compter cette traque comme une victoire, dit-elle en souriant. -Et puis nous pouvons toujours remplir nos sacs de châtaignes histoire d'apporter un cadeau de bienvenue à ma professeure de sorcellerie, continua Astrid en s'accroupissant au-dessus du ruisseau pour se désaltérer.
-Ne bois surtout pas cette eau ! Hurla Solveig en agrippant l’épaule de son élève. Astrid resta tétanisée quelques instants devant le ton angoissé de la chasseuse. -Regarde, dit Solveig en lui montrant l’endroit d’où jaillissait la source à quelques dizaines de mètres.
Un étrange liquide noir en coulait en même temps que l’eau, créant une boue tout aussi sombre autour de la bouche du ruisseau.
-Même si l’eau semble s'éclaircir ensuite, je doute qu’elle soit potable, insista Solveig en montrant la châtaigne à sa protégée.
Un liquide tout aussi noir que celui de la source s’écoulait lentement de la fissure causée par la flèche -Qu’est-ce que c’est que cette chose ? Demanda Astrid. -Je n’en ai aucune idée, répondit Solveig, mais as-tu remarqué que le sol de ces bois est jonché de feuilles comme en plein automne ? Et le peu de sons d’animaux que nous avons pu entendre depuis que nous sommes arrivées ? Il y a peut-être une maladie dans ce liquide.
-Nous devrions en ramener un échantillon à Thoruvilla, je suis certaine que Gersimi saura nous dire de quoi il s’agit en moins de deux quand elle arrivera !
-Je suis vraiment désolée que tu sois obligée de passer ta journée avec une simple chasseuse, rétorqua Solveig d’un ton sec tout en rinçant son bocal de pisse de biche pour en remplacer son contenu par le mystérieux liquide.
Astrid se mordit les lèvres devant la réaction de Solveig et se rendit compte qu’elle avait passé toute la journée à mentionner l’arrivée prochaine de sa professeure de sorcellerie dans la région.
-Je suis désolée, je ne voulais pas … Solveig l’interrompit aussitôt. -Tais toi. -Ce n’est pas la peine de te vexer pour si peu, insista Astrid, je suis peut être excitée par l’arrivée de Gersimi mais c’est seulement parce que … -Tais toi ! Chuchotta Solveig en posant fermement sa main sur la bouche de sa protégée. Elle fixait du regard la cime des arbres avec insistance tout en gardant sa main libre sur le pommeau de son épée. C’est alors qu’Astrid remarqua certaines feuilles des hêtres qui semblaient se mouvoir dans le sens opposé du vent. Quelque chose, la haut, les observait. En un geste discret, Solveig fit comprendre à Astrid qu’il était temps de retourner sur leurs pas.
Elles commencèrent à marcher en silence vers le village, toutes deux aux aguets du moindre signe de mouvement dans les branchages.
-Récites-nous un chant, souffla Solveig à son élève.
Astrid fut hébétée quelques instants par cette demande mais comprit bien vite que c’était pour donner le change et ne pas laisser croire à la chose qui les observait qu’elles avaient compris qu’elles étaient suivies. Le sens de l’ouïe hyper développé de Solveig saurait de toute façon repérer les sons de la chose dans l’espace malgré la voix de la jeune fille.
"Toi dont le trône étincelle, ô immortelle Diane, ourdisseuse de trames, je t'implore : ne laisse pas, ô souveraine, dégoûts ou chagrins affliger mon âme,
Mais viens ici, si jamais autrefois entendant de loin ma voix, tu m'as écoutée, quand, quittant la demeure dorée de ton père tu venais, Après avoir attelé ton char,
de beaux passereaux rapides t'entraînaient autour de la terre sombre, secouant leurs ailes serrées et du haut du ciel tirant droit à travers l'éther..."
-Qui est-donc cette Diane ? Demanda Solveig tout en restant discrètement concentrée sur la cîme des arbres. -C’est la déesse des Forêts chez les Romains, c’est Thorulf qui m’a appris ce texte. -Il ferait mieux de t’apprendre les histoires de nos dieux.
-Il le fait aussi. Et il pense que parfois, les dieux des autres sont les mêmes que les nôtres. C’est juste que nous les nommons différemment. Par exemple, peut être que celle que les Romains appelaient Diane serait la même que notre Idunn d’Asgard. -Intéressant, avoua Solveig. Recommence du début, je l’écouterais avec cette idée en tête.
...
Après quelques minutes deux Nordiques arrivèrent enfin à l’entrée du village, mais elles n’en furent pas plus rassurées pour autant. La rue principale était cette fois-ci totalement déserte. Les gardes avaient totalement disparu.
-J’ai un mauvais pressentiment, reste dehors, dit Solveig en poussant la porte de l’écurie dans laquelle elles avaient laissé leurs chevaux.
Aucun animal vivant n’y était présent. Pire encore, en observant plus avant dans le bâtiment, la chasseuse observa avec horreur que certains des chevaux avaient été tués … Ainsi que leurs propriétaires. Solveig ressortit immédiatement, l’arc à la main.
-Sors ton arme, Astrid, ordonna-t-elle, plus que jamais aux aguets.
C’est seulement à ce moment-là qu’elle remarqua les tâches de sang étalées aux fenêtres de certaines des maisons, ainsi que sur le sol des rues.
-Regarde, dit Astrid d’une voix tremblante, les portes de l’église s’entrebaillent.
En effet, un homme couvert de sang sortit de la chapelle du village, rampant sur le sol avec l’air hagard tout en tendant la main vers les deux amies. Solveig n’eut pas le temps de retenir Astrid. La jeune fille courut immédiatement vers l’homme pour s’agenouiller à ses côtés. Elle fouilla frénétiquement dans son sac pour en sortir sa petite pochette d’algues médicinales, mais il était trop tard. L’homme rendit son dernier souffle sans un mot, en serrant la main d’Astrid dans la sienne. -Ses blessures étaient trop profondes, tu n’aurais rien pu faire, dit Solveig en posant sa main sur l’épaule de la jeune fille. En même temps qu’elle confortait Astrid, elle poussa discrètement la porte de l’église pour la refermer. Elle avait vu du coin de l’oeil que l’homme était loin d’être la seule personne assassinée qui avait été traînée dans le sanctuaire, et elle voulait épargner ce terrible spectacle à sa protégée. -Tu crois que tous les habitants sont morts ? Demanda Astrid. Il en reste peut-être qui ont besoin de notre aide. -Je crois que c’est nous qui allons avoir besoin d’aide si nous restons une minute de plus ici. Partons au plus vite, nous avons peut être une chance de filer discrètement par la route des marais, plus au sud.
Mais il était trop tard pour fuir. Alors qu’elles se mettaient en marche pour quitter le village, une étrange figure atterrit au milieu de la rue principale, comme tombée du ciel, pour leur barrer la route. C’était une femme à la fois svelte et musclée aux longs cheveux noirs. Si longs que malgré son énorme chignon, certaines parties de sa chevelure lui tombaient encore à mi-fesses. Ses vêtements, savant mélange inextricable de cuir, de feuillages et d’ossements divers couvraient l’intégralité de son corps sans en laisser dépasser un seul centimètre de peau. Son visage aussi était couvert. Elle portait un masque en bois très clair, de forme oblongue, pointu vers le bas, et dont le haut du front était sculpté comme pour figurer sept branches pointées vers le ciel. Aucun trou pour la bouche, le nez, ou même les yeux ne venait troubler la blancheur de l’objet, dont la surface était nervurée de spirales finement taillées. Elle portait dans sa main gauche une lance sculptée elle aussi dans un seul morceau de bois, et fixait son arme vers Astrid et Solveig dans un geste qui ne laissait aucun doute sur ses intentions.
Solveig banda immédiatement son arme vers la femme, bien décidée à ne pas s’en laisser compter, et la menaça immédiatement dans son plus mauvais Français. -Toi laisse passer nous, sinon, par Thor, moi percer masque avec flèche.
Sans une seule seconde de réflexion, la femme se mit à courir vers Solveig, la lance en avant. Solveig décocha immédiatement sa flèche. La première de sa vie qui n’atteint pas sa cible. En en effet, la femme effectua une glissade sur le sol qui lui permit d’éviter le tir sans même ralentir sa course, et continuà à foncer vers son ennemie.
Héberluée par la rapidité de son adversaire, Solveig eut à peine le temps de lâcher son arc pour dégainer son épée et parer le premier coup de la femme. Puis le deuxième. Puis le troisième... Et si la vitesse de l’attaquante pouvait paraître surhumaine, Solveig réussit malgré tout à parer une combinaison de cinq coups d’affilés parfaitement exécutés.
Etonnée par la vélocité de Solveig, la femme sans visage bondit immédiatement de quelques mètres en arrière afin de mieux observer son adversaire. Sans succès. La chasseresse avait déjà récupéré son arc et tira trois flèches d’affilée dans la direction de son ennemie. Sans succès non plus.
-Elle est suffisamment rapide pour pouvoir parer mes flèches avec sa lance, cria Solveig à Astrid en Norvégien. Prends la fuite immédiatement, je ne sais pas combien de temps je pourrais tenir contre elle.
-C’est hors de question, répondit Astrid fièrement tout en tentant elle aussi vainement de viser la femme sans visage avec son arc.
Soudain, le sol se mit à trembler en même temps qu’un bruit de galop massif envahit toute l’ambiance sonore de la place. Et alors que Solveig et la femme s’élançaient une fois de plus l’une sur l’autre, les armes à la main, un cerf gigantesque s’interposa entre elles.
Son brame fit trembler les murs des maisons, jusqu'à faire légèrement vibrer la cloche de l’église. Astrid et Solveig ressentirent toutes deux un frisson intense dans la colonne vertébrale et des fourmillements derrière la tête qui les laissèrent hébétées un instant.
L’animal se tourna ensuite vers la femme et s’agenouilla devant elle, puis il colla quelques instants son front contre le sien. Solveig n’aurait su dire si les spirales gravées dans le masque de la femme s’étaient mises à changer de couleur au contact de l’animal, mais il lui sembla que oui.
La femme sans visage tourna alors la tête vers les deux Nordiques. Elles n’auraient su dire si elle s’adressait à elles en utilisant sa bouche (mais en avait-elle ?) ou si elle communiquait en utilisant la force de sa pensée.
Quoi qu’il en soit, Solveig comprit sa question aussi bien qu'Astrid.
-Vous avez des herbes de mer sur vous ?
A suivre ...
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